Le reverse-mentoring, ou la formation intergénérationnelle

Système de formation quasi-ancestral, le mentorat s’offre une nouvelle jeunesse en entreprise grâce à une redéfinition de sa nature. Une preuve que l’innovation en formation n’est pas nécessairement digitale.

Capitaliser sur la synergie humaine

Dans la mythologie, Mentor est le précepteur de Télémaque, fils d’Ulysse, et fait bénéficier le jeune homme de son expérience et de ses conseils avisés dès que le besoin s’en fait sentir, l’aidant ainsi à progresser rapidement dans son apprentissage. Ce petit point étymologique, peut sembler relever de l’anecdote, mais rappelle efficacement l’intérêt d’un mentor, particulièrement dans le monde de l’entreprise. Le mentorat (que l’on qualifie aussi en langage parlé, de « mentoring ») est un système qui a fait ses preuves. Au-delà de ses qualités évidentes en matière de transmission de savoir et d’acculturation à un esprit d’entreprise, il possède de fait une force évidente : remettre le lien humain au centre de l’action de formation, et réaffirmer que l’apprentissage est moins une affaire de séquence de formation que d’état d’esprit.

À la différence d’un tuteur, uniquement focalisé sur la maitrise de nouvelles compétences, le mentor accompagne l’apprenant dans l’acquisition de savoirs concrets (ou hard skills) mais s’implique aussi dans l’acquisition d’un savoir-vivre propre au monde de l’entreprise (soft skills). Le mentor conseille, épaule et accompagne au-delà de sa seule mission de formation. Cette réalité provoque une énorme différence dans un monde où le risque de turnover est grand, et les impératifs de formation omniprésents. En clair, le mentoring constitue le plus efficace passage de flambeau entre une génération et la suivante. Les dernières innovations en matière de mentoring permettent d’ailleurs de casser l’image éculée d’un salarié expérimenté transmettant son savoir à un autre, plus jeune, qui le serait moins. Le reverse mentoring constitue un exemple parfait du vent de nouveauté qui souffle sur le mentoring.

Le reverse-mentoring ou l’apprentissage à double sens

Dans un monde de l’entreprise évolutif et désormais largement digitalisé, l’enjeu de la maitrise des outils numériques est central. Or, mener le changement et réaliser la transition vers la digitalisation de ses activités demande à l’entreprise et aux collaborateurs une souplesse parfois difficile à acquérir. Le reverse mentoring agit comme une réponse à cet impératif, en utilisant le savoir-faire quasi inné des « digital natives » (ou « génération Y », désignant les jeunes de moins de 30 ans, première génération à baigner dans le numérique depuis leur naissance). Tout l’intérêt du reverse mentoring réside dans cette idée simple : chacun possède des savoirs qui, à un moment donné, sont susceptibles d’enrichir une autre personne. Dans le cadre du mentoring « classique », il s’agissait d’une compréhension des missions, d’habitudes de travail et d’expérience à transmettre à un collaborateur moins expérimenté. Le reverse mentoring retourne ce schéma classique, en permettant à un jeune collaborateur de former un collaborateur plus ancien, notamment sur la maitrise des outils numériques. De nombreuses entreprises ont sauté le pas : AXA, Engie, BNP Paribas Cardif, Danone et Orange rendent possible l’accompagnement de « top manager », voire de dirigeants, par de jeunes mentors, qui leur apprennent les bases de l’univers numérique.

L’intérêt est double : développer la maitrise du digital au sein de l’entreprise, jusque dans les plus hautes sphères, et valoriser le savoir-faire d’une jeune génération réputée comme difficile à fidéliser.

D’une certaine façon, le reverse mentoring participe d’un retour à la philosophie fondatrice du mentoring : chaque personne peut apporter à une autre en fonction de ses compétences, son expérience, son savoir-faire. Car les formes du savoir sont multiples et complémentaires. Pour les entreprises, c’est bien dans la mise en commun de ces différents types de savoir que se trouve la clé du succès.

 

29/09/16 à 10:02