Jouer pour se former : la gamification en formation

Le serious game (ou « jeu sérieux) permet de s’affranchir des schémas classiques et parfois normatifs de la formation. Développer ses compétences par le jeu n’est pas réservé aux plus jeunes et la généralisation de cette méthode témoigne de son efficacité. Cette semaine, Rue de la Formation vous propose un focus sur cette méthode de formation qui a fait ses preuves.

Utiliser les vertus du jeu pour apprendre, se former et progresser. L’assertion est séduisante. Elle est aussi vérifiée. Depuis de nombreuses années maintenant, le serious game (ou jeu sérieux) se trouve intégré à de plus en plus de parcours formations. Le serious game permet de se projeter mentalement – grâce au jeu – pour acquérir de nouveaux savoirs et/ou appréhender plus facilement la prise de décision dans l’univers professionnel. Selon une étude commandée par Ignition Factory, 34% des entreprises ayant recours au serious game l’utilisent dans le cadre de sessions de formation. Mieux encore, selon l’ARF, en 2014, 25% des DRH et responsables formation européens utilisent ou ont utilisé des jeux sérieux, et 90% des salariés ayant pris part à une session ont estimé que ce mode de formation répondait à leurs attentes.

 

L’intérêt du serious game en formation

Le jeu sérieux permet de fournir un cadre laissant une large place à l’expérimentation, la réflexion, l’action et son évaluation. Ce cadre permet surtout de se tromper sans conséquences réelles immédiates. Le droit à l’erreur se révèle particulièrement bénéfique dans le cadre de la progression du collaborateur. Cette réalité en fait un outil de formation privilégié des managers en particulier. Imaginez : un commercial de Renault reçoit un futur client dans son bureau. Devant lui, une liste de questions et de conseils qui produiront des réactions différentes selon le client. Le commercial doit alors adapter sa stratégie en fonction de la personnalité de son interlocuteur pour parvenir à la vente. Cette situation que l’on croise quotidiennement dans l’entreprise, n’est ici en réalité qu’un jeu nommé « Ultimate Sales Manager » développé par la société Daesign, qui permet à un collaborateur d’apprendre les bonnes pratiques pour l’exercice de son métier. De la même façon, Air France et BNP Paribas font aussi appel aux jeux sérieux pour apprendre à leurs managers à mener un entretien annuel d’évaluation. Opcalia en a par exemple fait de même avec l’entretien professionnel. « Pour nous la gamification est une des tendances fortes, que ce soit dans la relation avec nos clients ou avec nos collaborateurs. On sent très nettement que, lorsque l’on met de la gamification, on introduit de la joie, de la gaieté (…) et que nos collaborateurs sont beaucoup plus stimulés » explique Stéphanie Foäche, directrice des Ressources Humaines et de la politique d’innovation chez BNP Paribas.

En filigrane, les serious games permettent aussi de remettre l’individu au cœur de son organisation, et de rappeler sa capacité à être individuellement un facteur de réussite de l’ensemble de l’entreprise. Il s’agit là de la véritable force du jeu : sécuriser le collaborateur sur ses compétences en les contextualisant dans un univers fictif, afin d’accompagner son évolution, pour au final faire progresser l’entreprise.

On imagine aisément le serious game irriguer tous les pans d’une entreprise, de la vente, aux relation client, en passant par la production. D’autant que son efficacité avérée est particulièrement rentable lorsqu’elle est mise en relation avec son coût pour l’entreprise. Bien souvent, il ne suffit que de l’achat d’un logiciel pour former un nombre illimité de collaborateur.

Sans forcément aller jusqu’au support « physique », le recours au jeu (ou gamification) peut aussi s’intégrer de façon plus parcimonieuse au sein des parcours formation. Délivrer des « badges » à chaque passage de niveau, donner une feuille de route sous forme de quête, mettre en place un système de points donnant à lieu à des récompenses… Les pistes d’amélioration sont nombreuses pour rendre plus ludique une formation.

 

La formation est aussi un territoire d’innovation

De manière plus générale, penser la formation au-delà des sentiers battus permet d’ouvrir des horizons insoupçonnés de progression d’une entreprise à travers ses collaborateurs. Le jeu a aussi ses limites, et y avoir recours de façon trop généralisée et systématique peut avoir l’effet inverse de celui recherché.  Mais savoir y penser aux bons moments, et dans les situations qui s’y prêtent, permet clairement d’ajouter une corde à son arc. Une étude de la revue Économie et Management, met même le « business game » en deuxième position des outils pédagogiques capables de motiver et transférer des savoirs.

Graphique-gamification

Le business game offre une occasion unique d’acquérir des savoirs en impliquant efficacement le collaborateur.

À la différence du e-learning, la gamification ne s’oppose pas aux formations en présentiel. Le jeu doit être conçu comme un complément, un moyen de disséminer la transmission des savoirs à travers le temps et de s’assurer de l’efficacité des apprentissages. Sa généralisation permet d’attester du fait que la formation en entreprise peut aussi être un terrain d’innovation, dont le seul cadre est délimité par un besoin de rentabilité et d’adéquation avec les objectifs d’une structure. Finalement, la gamification en formation permet une nouvelle fois de vérifier le fait qu’une entreprise, n’avance réellement qu’en ayant fixé une feuille de route précise, et que cette dernière est partagée par le plus grand nombre. Car, comme le dit David Jestaz, directeur de l’Université Groupe du Management d’EDF, « apprendre, c’est très important individuellement, mais pour les organisations, il faut que tout le monde ait compris en même temps. Et ça, il ne faut jamais l’oublier. »

09/05/16 à 11:21